11 juin 2020

Il y a une semaine, les membres du conseil d’administration, réunis, se sont filmés en train d’applaudir personnels, résidents et familles.

Francine, volubile, tend la main au président de l’Apei Sud Alsace , Fernand Heinis. Et s’arrête net : « Non, on ne doit pas se toucher ! » Réfléchit, et rajoute : « Ça va mieux, président ? » Fernand Heinis sourit. Il sait à quoi ressemble la Covid-19, il l’a eue.

Francine, ravie de monter les coloriages, découpages, ribambelles réalisés durant le confinement à la Maison de retraite spécialisée, l’a appelé pour prendre de ses nouvelles. Derrière elle, Dominique tend la main, c’est comme ça, pour lui, qu’on dit bonjour. Depuis fin février, les gestes barrière sont de rigueur, pas toujours simples à faire respecter, malgré les panneaux installés dans la salle commune, qui expliquent, avec un langage visuel, le lavage des mains et la distance à maintenir avec les autres.

Dès le 2 mars, confinement après prise de température

Le 2 mars, indique le directeur Samuel Kuchel, « nous avons organisé une cellule de crise en ajoutant de la gravité à l’événement ». Le soir même, la température était prise chez tous les résidents, « avec un thermomètre plus ou moins fiable », atteste le directeur. Au Foyer d’accueil spécialisé (FAS) qui compte 40 résidents, la moitié était confinée en chambre pour quatorze jours. Les autres pouvant encore se déplacer dans l’établissement ont eu d’emblée un régime spécial : plus de contact physique avec l’extérieur, jusqu’aux produits frais servis au réfectoire.

Les « confinés » sont sortis au bout de quatorze jours, « hormis trois admis aux urgences après des malaises », précise le directeur, ainsi que deux personnes au foyer résidence-studio. Les tests Covid se sont avérés négatifs. Et alors que l’équipe le craignait, à cause de l’isolement forcé, « nous n’avons pas eu d’hospitalisation au Roggenberg durant cette période ». La situation qu’ils vivaient était inédite, mais les résidents s’adaptaient, accompagnés par les personnels encore en poste.

« Pendant deux mois, on n’a fait que ça »

L’Apei Sud Alsace accompagne 240 personnes, dont certaines souffrent d’une comorbidité potentielle face aux virus. Ne pas faire entrer la Covid-19 dans l’établissement tout en respectant le bien-être des résidents a été le message que l’équipe mobile de soins, le médecin référent et la directrice adjointe, infirmière, ont fait passer dès le début. Les mesures prises ont été drastiques, « on m’a même taxé d’être trop strict », remarque, agacé, Fernand Heinis.

Tout à coup, le personnel qui porte des masques, des blouses, maintient une distance, le médecin référent malade… Comme les autres structures, l’Apei n’a pas échappé à la crise. Les cadres se sont réunis chaque semaine, « en faisant des points précis qu’on relayait dans des mails envoyés tous les trois jours aux services. Pendant deux mois, on n’a fait que ça », se souvient le directeur. « Heureusement que nous avions pris de l’avance ».

Beaucoup restent encore prudents vis-à-vis de l’extérieur

Rétrospectivement, Samuel Kuchel remarque aussi que « quelque part, l’angoisse distillée par les médias a donné du sens à ce qui se passait autour des résidents. Aujourd’hui encore, à l’instar de Francine à la Maison de retraite, beaucoup restent prudents vis-à-vis de l’extérieur.

Le 11 mai, les visites ont repris, d’abord derrière des vitres. Le déconfinement reste progressif et on ne rentre pas au Foyer Cuny comme dans un moulin. « Les résidents peuvent sortir à nouveau, en autonomie pour ceux qui sont capables de gérer les gestes barrières. Sinon, on les accompagne. »

Il y a une semaine, les membres du conseil d’administration, réunis, se sont filmés en train d’applaudir personnels, résidents et familles.
Leur message comme une conclusion aux trois mois écoulés. La vie n’est pas encore revenue à la normale, mais elle a repris son cours.

Les stocks des escargots

Pour le matériel de protection, l’Apei a, comme les autres, été prise de court. Début mars, « nous avions 60 masques normaux et 600 masques de l’époque H1N1 qui avait dépassé la date limite. La consigne aux personnels a été d’essayer de les garder le plus longtemps possible », indique Samuel Kuchel. Avant que les stocks fournis par l’État arrivent, il a aussi fallu compter sur les stocks dédiés à l’activité hélicicole, l’élevage des escargots. Les blouses jetables ont été en priorité attribuées à l’équipe mobile de soins et aux professionnels du Service d’accompagnement à la vie sociale. Sans compter les dons réguliers des bénévoles. « Les valeurs de l’association se sont incarnées sur le terrain », remarque le directeur, qui relève les actions de certains membres du conseil d’administration.

Grâce à vous, nous pouvons monter de nouveaux projets et prévoir des aménagements pour améliorer le confort de vie de nos résidents.